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L’IDOLE ABATTUE.

vous eussent cédé, l’imagination elle-même reculait et se hâtait d’imposer silence à ses caprices.

Le doyen de ce siècle, l’homme qui en avait pour ainsi dire dirigé l’essor et pompé les vices, l’élégant et spirituel Richelieu venait de mourir, assez heureux pour mourir à temps et pour ne point voir de ses yeux les tressaillemens précurseurs de sa ruine. Le dernier soupir de Richelieu avait été celui de la galanterie française elle-même, cette galanterie qui remontait à Louis XIV. Il semblait présager les brutalités sanglantes et le règne de la populace qui devait suivre…

Où fuir, où se cacher pour éviter ces symptômes ? Saint-Georges, tout mulâtre qu’il était, ne pouvait souffrir le peuple ; il y avait chez lui, nous l’avons dit, une aristocratie presque innée, une aversion intime de tout ce qui pouvait sentir mauvais. Le peu de fois qu’il rencontra deux ou trois membres de la Société des Amis des Noirs, il leur demanda comment ils comptaient procéder à l’égard des colonies ? — Par le fer et par le feu, répondirent ces stupides niveleurs, qui ne se croyaient pas alors eux-mêmes les victimes de l’insidieux Pitt. — Ce mot avait, dès ce jour, consolidé les répugnances de Saint-Georges.

Le Palais-Royal n’était même plus un refuge vers lequel la reconnaissance pût lui faire tourner les yeux. Abandonnée à l’intérieur par son propre maître, pour ne point appeler la surveillance sur ses visiteurs, la maison du prince avait l’air d’une de ces maisons souterraines d’Herculanum ; les jeux et les fêtes l’avaient quittée. Le duc était à Londres, où ses