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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

sottise de reprendre ta femme et deux enfans, il faut bien les faire vivre, mon ami… Je vais mieux d’ailleurs, bien mieux… J’irai, oui, j’irai, j’espère, vous rejoindre… Habille-moi, rase-moi… Quand je te dis que j’irai !… La reine va ce soir à l’Opéra… Donne-moi mon habit vert… Bien… Présente-moi la glace… Je veux me voir, je veux me lever… Ne me retiens pas…

Il se leva, mais pour retomber bientôt sur le lit… Il tenait entre ses doigts la rose que la reine lui avait donnée.

— Pauvre rose ! dit-il, déjà flétrie ! Ce sera la dernière qu’elle cueillera à Trianon !

En ce moment la voix aigre d’un crieur public monta jusqu’à la fenêtre :

« Ce qui est arrivé hier à M. Lenoir, ancien lieutenant de police.

» Les nouvelles de la Martinique et de la Guadeloupe, pour deux sous.

» La séance de l’assemblée nationale.

» Arrivée du chevalier de Saint-Georges à la Martinique avec quinze mille fusils, et mauvaise issue de son projet[1]. »

— Mensonge et calomnie ! s’écria le chevalier ; mensonge et calomnie ! dit-il encore une fois en étreignant la main de Maurice. Voilà les infamies de la grande Babylone ! Me flétrir, me perdre, pendant que j’agonise ici ! Oh ! comme il se venge… le duc !…

Il s’arracha du lit, l’œil enflammé de rage, et cou-

  1. Numéro du samedi 6 décembre 1789.