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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

à la sincérité de son amour, l’avait-il avancé dans l’esprit d’Agathe ? avait-il développé chez elle un germe de tendresse ou d’admiration ? C’est ce dont il était cependant permis à Maurice lui-même de douter.

Jamais ce mot si doux je vous aime ! ne s’était fait jour en effet à travers les lèvres émues d’Agathe ; jamais une larme n’avait débordé de sa noire paupière en le regardant partir… Maurice ne pouvait se dissimuler qu’il était plutôt un frère qu’un amant aux yeux de Mlle de La Haye ; elle lui répondait avec trop de sang-froid pour qu’il pût se croire l’âme de ses rêves. Les difficultés journalières que sa passion surmontait lui rendirent bientôt sa première impatience ; il lui sembla que l’indifférence d’Agathe ne saurait tenir contre la demande formelle de sa main. Il ne hasarda cette démarche que sur l’assurance d’un régiment que M. de Boullogne et sa mère ne tardèrent pas, comme on l’a vu, à lui obtenir.

L’ineffable dignité empreinte aux moindres mouvemens d’Agathe avait percé jusque dans le sourire avec lequel elle accueillit la proposition de mariage faite par Maurice… En cet instant elle fut belle comme le jeune homme ne l’avait peut-être jamais vue ; vous eussiez dit un ange résolu à ne point troubler le bonheur d’une autre âme… Pourtant si Maurice eût mis sa main sur son cœur, il aurait vu que ce cœur ne battait pas, c’était la résignation et non l’amour qui dominait dans l’acceptation muette d’Agathe… L’orgueil ne soupçonne jamais les secrets ravages du cœur… Maurice se crut aimé à dater