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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

ne sais quel rayonnement céleste et doux, comme si dans cet entretien sublime avec Maurice, il eût épanché goutte à goutte toutes les larmes de son âme…

C’est aux femmes seules, aux femmes jeunes et vraies, dans toute la rigueur de ce mot, qu’il appartient de comprendre la supériorité de certaines natures… Chaque mot de Saint-Georges résonnait encore à l’oreille d’Agathe comme le gémissement métallique que rendrait la harpe… Elle rencontra et elle évita tour à tour la puissance connue de son regard ; et tendant la main à Maurice, elle se dirigea sur son bras vers l’appartement voisin, au seuil duquel apparut la vieille gouvernante… Dans le mélancolique coup d’œil qu’elle laissa tomber sur le chevalier, il y avait tout l’enchantement d’un adieu, mais d’un adieu céleste comme dut l’être celui de Madeleine d’Égypte s’acheminant vers les grands sables du désert…

Lorsqu’elle fut rentrée chez elle :

— Monsieur, reprit Maurice, qui avait épié impatiemment ce long regard, l’insulte a été grave, nous ne pouvons éviter une rencontre… Je ne vous ferai point d’excuses, quoique j’aie peut-être dépassé avec vous toute mesure… Ce matin même je m’en vais écrire à mes témoins. Seulement vous savez que c’est aujourd’hui la Saint-Louis ; je dois aller à Versailles pour remercier le roi et passer en revue mon régiment. Si vous voulez le permettre, la rencontre n’aura lieu que demain soir ?

— À demain soir, répondit le chevalier.

Ils descendirent tous deux l’escalier sans se parler, puis ils se séparèrent en se saluant froidement.