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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

courbe embrasée sur le ciel, pour saupoudrer ensuite de leurs paillettes d’or les arbres touffus des Champs-Élysées.

Le feu d’artifice devait se tirer sur la place Louis  XV.

À voir cette foule amoncelée devant les charpentes, on eût dit vraiment qu’elle ne se souvenait plus de l’épouvantable bagarre arrivée sur cette même place en 1770. Ce sinistre coûta la vie à plus de douze cents infortunés : il précédait de quatre années seulement l’avènement de Louis XVI à la couronne.

C’est une triste chose qu’une fête populaire où l’on porte des idées tristes. If y règne une odeur vineuse et nauséabonde… Saint-Georges n’était sorti de chez lui que pour échapper à l’amertume de sa solitude ; il comptait sur le tourbillon pour s’étourdir.

Tout ce que les Tuileries possédaient de femmes galantes, de provinciaux, de jeunes gens à la mode, attacha les yeux sur lui quand il traversa le jardin ; on se le montrait comme le type de l’élégance et de l’adresse, le modèle de la plus exquise perfection ; son nom courait de bouche en bouche comme avait couru le nom de tant de héros oubliés depuis, héros d’un jour, à commencer par le duc de Richelieu !

La petite bourgeoisie éprouvait en le voyant la même admiration que la duchesse. Sa physionomie tranchait sur toutes les autres d’une façon si marquée qu’il devenait en un clin d’œil le point de mire des lorgnettes.

Le grand Vendôme portait, on le sait, un ruban couleur de feu noué sous la gorge, et cela paraissait magnifique et triomphant ; Saint-Georges, lui, avait