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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

le cédait encore, en fait de guillochages, à la canne sur laquelle il s’appuyait.

Était-ce le danger couru par lui dans ce rassemblement formidable qui avait imprimé à sa figure un abattement si visible ?

La surprise de Saint-Georges ne lui permit guère de débattre en lui-même cette question.

En effet, si la présence de Mme de Langey chez lui avait eu lieu de surprendre le chevalier, la subite apparition de M. de Boullogne était de nature à redoubler sa stupeur.

On se rappellera peut-être que Saint-Georges s’était imposé la loi d’éviter toute occasion de se rencontrer avec ce vieillard dont l’humeur sarcastique lui déplaisait ; ce n’était guère qu’à des intervalles éloignés qu’il l’entrevoyait au Palais-Royal.

De son côté, le contrôleur général semblait prendre plaisir à afficher pour le mulâtre un mépris singulier…

L’orgueil prépondérant de la finance perçait dans i les moindres manières de M. de Boullogne ; il portait le front haut comme un ministre d’État, adressait rarement la parole aux subalternes et se retranchait dans une probité exacte pour faire sentir le poids de sa supériorité. D’une famille de robe, il avait épousé, fort jeune, une Charlotte de Beaufort, fille de Charles, de Beaufort, l’un des plus riches fermiers généraux du royaume : ce mariage avait déchaîné l’envie. Devenu veuf, il ne s’était point remarié, vivait triste et affichait une morgue d’aristocratie qui le faisait passer pour un homme dur. On a vu de quel amour et