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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

basané, couvert d’orgueilleux haillons… Son regard effronté traduisait assez le mépris qu’il faisait de la marquise. Il entrait d’un air résolu et sardonique.

— Tio-Blas !… s’écria Saint-Georges, foudroyé lui-même par cette subite apparition…

— Tio-Blas !… murmura après le chevalier la tremblante marquise de Langey.

— Moi-même, continua-t-il en se drapant des plis d’un manteau percé de trous, pendant que cette femme, immobile de surprise, le contemplait de la tête aux pieds comme pour s’assurer que ce n’était pas son ombre… C’est dans le malheur et l’abandon, reprit-il, qu’on retrouve les vrais amis ! M. de Boullogne vous quitte, marquise, moi je vous prends… Vive Dieu !… J’ai plus de pitié de vous que ce M. de Vannes que l’on dit être votre amant ! Je ne laisserai pas la colombe tomber au filet de l’oiseleur ! Ma maison sera la vôtre, marquise de Langey ; ma maison, entendez-vous ? car j’ai une maison… J’ai le droit de vous l’offrir : ne m’avez-vous pas reçu autrefois ?…

À cette voix terrible qui lui rappelait tous ses dangers, la marquise sentit un frisson de glace courir par ses membres, elle n’osa pourtant pas se placer derrière Saint-Georges.

— Vous êtes étonnée de me voir ici, madame ? Je n’ai fait qu’y reprendre mon bien, l’autre soir ; ah ! je m’en confesse au chevalier. En tout il faut de l’ordre, voyez-vous, et depuis un grand siècle j’étais à la piste de vos lettres… Je ne savais pas que le ciel donnerait avant-hier au chevalier l’admirable