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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

hasard que j’ai confié le soin de ce que j’avais de plus cher.

— Vous êtes allé chez lui ? reprit le jeune homme avec un mouvement de dépit. Vous ne l’avez pas supplié, du moins ? vous n’avez pas eu recours à sa pitié ?

— Je lui ai fait comprendre qu’un duel ne pouvait rien réparer entre vous deux. Il a déclaré d’abord qu’il voulait se battre avec toi… mes raisons l’ont convaincu…

— Et moi, mon père, pour que ce duel eût lieu, j’eusse donné de bon cœur ma vie et mon sang ! il aurait du moins effacé entre Agathe et moi l’image de cet homme, que je ne vois s’y dresser qu’avec épouvante ! Oui, je dois vous le dire, mon père, je crains que cet esclave, malgré la noblesse de sentimens que vous voulez bien lui supposer, ne trame encore dans l’ombre quelque perfidie contre mon bonheur… je crains que, ne s’étant pas mesuré avec moi…

— Que peux-tu craindre ? N’est-ce pas ce soir que des liens éternels vont t’unir à Mlle de La Haye ? Elle va donc enfin se voir accomplie, Maurice, cette union, qui tout à l’heure encore éveillait en moi des pensées d’alarme et de péril ! Nous autres vieillards, nous appréhendons plus que vous autres l’issue d’un combat…

— Celui-ci, mon père, eût été du moins glorieux pour votre fils, il l’eût placé haut dans le cœur d’Agathe !… Moi d’ailleurs qui suis jeune et qui n’ai un régiment que d’hier…