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LETTRE À FRÉDÉRIC VAN EEDEN


Quelle sera notre action ? De tenter d’arrêter le combat ? Il n’y faut plus songer. La bête est lâchée, et les gouvernements se sont si bien appliqués à déchaîner les violences et les haines que, quand ils le voudraient à présent, ils ne pourraient plus la faire rentrer dans le chenil. L’irréparable est accompli. Il est possible que les neutres d’Europe et les États-Unis d’Amérique se décident un jour à s’interposer pour essayer de mettre fin à une guerre qui, en s’éternisant, menace de les ruiner, aussi bien que les belligérants. Mais je ne sais ce qu’il faut attendre de cette intervention, trop tardive.

En tous cas, je vois un autre emploi à notre activité. Que la guerre soit ce qu’elle soit, nous n’y pouvons plus rien ; mais nous devons au moins tâcher que de ce fléau sorte le moins de mal et le plus de bien possible. Et pour cela, il faut intéresser l’opinion publique du monde entier à ce que la paix future soit juste, à ce que les appétits du vainqueur, quel qu’il soit, et les intrigues de la diplomatie n’en fassent plus l’amorce d’une nouvelle guerre de revanche, à ce que les crimes moraux commis dans le passé ne se renouvellent plus, ou ne s’aggravent encore. C’est pourquoi je regarde comme un principe sacré ce premier article de l’Union of Democratic Control qu’aucun pays ne puisse