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NOTRE PROCHAIN, L’ENNEMI

dont chacun nous apporte l’écho retentissant de violences, d’injustices, de cruautés nouvelles. Mais ne le fut-elle pas davantage aux temps où elle fut confiée aux pêcheurs de Judée par celui que l’humanité prétend révérer toujours — des lèvres plus que du cœur ? Les flots de sang, les villes incendiées, toutes les atrocités de l’action et de la pensée n’effaceront jamais dans nos âmes tourmentées le sillage lumineux de la barque de Galilée, ni les vibrations profondes des grandes voix qui, à travers les siècles, proclamèrent la raison patrie de tous les hommes. Il vous plaît de les oublier et de dire (comme le font tels de vos écrivains qui sonnent de la trompette) que de cette guerre date une ère nouvelle du monde, un bouleversement de toutes les valeurs et que d’elle seulement commenceront de compter tous les mérites à venir ? C’est le langage de tous les passionnés… La passion passe. La raison reste La raison et l’amour. — Continuons d’en chercher, parmi les décombres ensanglantés, les jeunes pousses nouvelles.

Le bien que nous fait au cœur, en ces jours frissonnants de mars capricieux, la vue des premières fleurs qui pointent de la terre, je le ressens quand je trouve, perçant la croûte glacée de haine dont l’Europe se recouvre, de grêles et vaillantes fleurs de pitié humaine. Elles attestent que la chaleur de vie persiste, ou fond du sol, que l’amour fraternel persiste