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AU-DESSUS DE LA MÊLÉE

guerre a lieu dans les champs de l’esprit ; et parfois une victoire d’en bas est une défaite, en haut. La conquête de la Belgique, Malines, Louvain et Reims, les carillons de Flandre, sonneront dans votre histoire un plus lugubre glas que les cloches de Iéna ; et les Belges vaincus vous ont ravi la gloire. Vous le savez. Votre fureur vient de ce que vous le savez. À quoi bon essayer vainement de vous tromper ? La vérité finira par se faire jour en vous. Vous avez beau l’étouffer. Un jour, elle parlera. Elle parlera par vous, par la bouche d’un des vôtres, en qui se sera réveillée la conscience de votre race… Ah ! qu’il paraisse enfin, qu’on l’entende, le génie libérateur et pur, qui vous rachète ! Celui qui a vécu dans l’intimité de votre vieille Allemagne, qui l’a tenue par la main dans les ruelles tortueuses de son passé héroïque et sordide, qui a respiré ses siècles d’épreuves et de hontes, se souvient et attend : car il sait que si jamais elle ne fut assez forte pour supporter la Victoire sans trébucher, c’est à ses pires heures qu’elle se régénère ; et ses plus hauts génies sont fils de la douleur

Septembre 1914.


Depuis que ces lignes furent écrites, j’ai vu naître l’inquiétude, qui peu à peu chemine dans les consciences des braves gens d’Allemagne.