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AU-DESSUS DE LA MÊLÉE

l’idée[1], reprise vigoureusement par mon ami Paul Seippel, dans le Journal de Genève[2] : « Ils fourniraient des hommes d’une autorité mondiale et d’une moralité civique éprouvée, qui fonctionneraient en qualité de commissaires enquêteurs. Ces commissaires pourraient suivre à quelque distance les armées… Une telle organisation compléterait et concréterait le tribunal de La Haye et lui préparerait les documents indiscutables pour l’œuvre de justice nécessaire… »

Les pays neutres jouent un rôle trop effacé. Ils ont une tendance à croire que contre la force déchaînée l’opinion est d’avance vaincue. Et ce découragement est partagé par la plupart des pensées libres de toutes les nations. C’est là un manque de courage et de lucidité. Le pouvoir de l’opinion est immense à présent. Il n’est pas un gouvernement, si despotique soit-il et marchant appuyé sur la victoire, qui ne tremble aujourd’hui devant l’opinion publique et ne cherche à la courtiser. Rien ne l’a mieux montré que les efforts des deux partis aux prises, ministres, chanceliers, souverains, — et le Kaiser lui-même, se faisant journaliste — pour justifier leurs crimes et dénoncer ceux de l’adversaire au tribunal invisible du genre humain. Ce tribunal, qu’on le voie, à la fin ! Osez le constituer. Vous ne connaissez pas

  1. Le Temps, 4 septembre 1914.
  2. Nos du 16 et du 17 septembre 1914 : La Guerre et le Droit.