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Page:Rolland - Beethoven, 1.djvu/37

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LES GRANDES ÉPOQUES CRÉATRICES

fui beaucoup moins qu’on a dit (on le verra plus loin, il fascinait les femmes, plus d’une s’est offerte), il se défend contre elles, il se défend contre lui. On a exagéré sa continence sexuelle[1]. Certaines notes de son journal, qui datent de 1816[2], en témoignant de son dégoût, témoignent qu’à la Vénus de passage il avait pu goûter. Mais il a de l’amour un sentiment trop haut, pour le dégrader sans honte à ces rencontres « bestiales » (viehisch), pour parler comme lui. Il finit par bannir de sa vie passionnelle toute sensualité. Et quand la bien-aimêe de jadis, Giulietta, toujours belle, vient, pleurante, s’offrir à lui, il la rejette avec mépris. Il défend contre elle la sainteté de ses souvenirs. Et il défend mn art, son Dieu, contre la souillure…

— « Si j’avais voulu ainsi sacrifier ma force de vie, que serait-il resté pour le noble, le meilleur ? »[3]

Cette domination de l’esprit sur la chair, cette puissante constitution et morale et physique, cette vie sans excès, auraient dû lui assurer une santé inébranlable. Rœckel, en 1806, qui le voit nu, s’ébrouant dans l’eau, comme un triton, dit « qu’on eût pu lui prédire l’âge de Mathusalem » *

1. Il est remarquable pourtant que plusieurs de ses plus intimes aient conservé de lui ce souvenir do pureté. Thérèse de Brunsvik, écrivant son portrait, en 1846, dit : « Mit jung fraülichen Schamhaftigkeit wandelte er durchs Leben ( « Il traversa la vie, avec une chasteté virginale » ).

2. Et une allusion discrète de son médecin Bertolini, qui était instruit de ses faiblesses. (Atteint du choléra, en 1831, et se croyant près de mourir, il fit brûler tous les papiers intimes qu’il avait ie Beethoven.)

3. Conversation avec Schindler. En français dans le texte.

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