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Page:Rolland - Beethoven, 1.djvu/68

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BEETHOVEN

Elle seule a dissipé les nuages de tristesse et de misanthropie qui s’amoncellent sur lui, depuis qu’il est hanté pat « le spectre de la surdité »[1]… Hélas ! c’est pour les laisser retomber, plus écrasants !

Justement parce qu’il sent le malheur approcher —cette mortelle infirmité, que bientôt il ne pourra plus cacher ! — il a besoin de se réfugier auprès d’une femme. Et ce n’est plus d’amour seulement qu’il est question ; il s’agit du mariage[2]. Jusqu’en 1816, ce sera son espoir perpétuel. Et sa constante déception. Le pauvre homme voit la lumière qui s’éteint, et il cherche la main fidèle qui voudra bien le guider. Mais qui lui tendra cette main ? Ce ne sera point une de ces femmes qui, précisément, l’attirent.. Sans parler de leur orgueil de caste — (si elles ne l’ont point, leur famille y veille pour elles) — quels moyens d’existence a-t-il à leur offrir[3] ? Avant les premières atteintes du mal,

1. « Tu peux à peine penser quelle tristesse, quel désert a été ma vie depuis deux ans : partout m’apparaissait, comme un spectre, mon infirmité… » (« Wie ein Gespeusl ist mir mein schwàclies Gehor überall erschienen… ») (à Wegeler, 16 novembre 1801).

2. « Pour la première fois, je sens que le mariage pourrait me rendre heureux ». (ibid). — 11 y avait pensé, dès 1798. Alors, il avait demandé la main de la « Zémire » de Grétry, la belle chanteuse de Bonn, Magdalene Willmann, engagée au Hofoper de Vienne. Mais elle le refusa, parce qu’  « il était trop laid et à moitié fou » (weil er so hâsslich war, und halbvcrrückt). Elle épousa, l’année suivante, un autre galant, qui satisfaisait mieux son esthétique et son bon sens.

3. Ni les Brunsvilc ni les Guicciardi ne sont à l’abri des soucis d’argent. On verra, toute sa vie, Giulietta se débattre contre la gêne croissante et vivre d’expédients. Les Brunsvik ont de vastes domaines, mais dont les revenus semblent assez chancelants. Au reste, les filles

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