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Page:Rolland - Beethoven, 1.djvu/73

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LES GRANDES ÉPOQUES CRÉATRICES

il a vécu sans songer au lendemain. À présent, les compositions rapportent peu, il ne fait point payer ses leçons, il vit de pensions aléatoires et toujours blessantes pour sa susceptibilité. Pour amasser un petit avoir, il lui faudrait faire des tournées de virtuose, en Allemagne, en Europe. Il y songe[1]. Mais la surdité vient si vite que déjà l’entreprise inspire des inquiétudes. En tout cas, d’ici à ce qu’il ait pu réunir un pécule suffisant, il faut attendre des années… Giulietta n’attend pas. Elle épouse — double affront ! — lin musicien (quel musicien !) homme du monde, amateur, beau garçon, un de ces dandys qui jouent au grand artiste, sans avoir la moindre idée de la distance qui sépare leurs fadaises de l’œuvre de génie. Ce petit comte Gallenberg, un moutard de vingt ans, aura l’impertinence de coudoyer, dans les concerts d’orchestre de l’hiver 1803, les symphonies de Beethoven, avec ses ouvertures décalquées de Mozart et de Cherubini. Pas plus que lui, Giulietta ne voyait la différence[2]. Elle l’épouse, le 3 novembre 1803,

n’en disposent point. Elles restent jusqu’au mariage — (et Thérèse ne se marie point) — sous la dépendance de la mère, qui les sacrifiera au frère. Et Joséphine, qui se marie la première, verra sa fortune s’engouffrer dans de tristes procès.

1. « N’éiail mon ouïe, j’aurais déjà parcouru la moitié du monde. Et cela, je le dois » (à Wegeler, lettre citée).

2. « Le comte Robert l’envoie ses compositions… fruits de ses heures solitaires, qui sont maintenant fréquentes I… Il est sur le point d’abandonner sa patrie, sans retour ; son destin le conduit là bas, à Naples, pour chercher dans iéloignement le bonheur qui ne fleurit pas pour lui, ici, II est triste que le zèle qu’il avait voué dans sa jeunesse à sa patrie, doive fleurir sur le sol etranger !… — (Lettre de Giulietta à Thérèse, 2 août 1803) (La Mara : Beethoven inid die Brunsviks). (Hevesy, qui

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