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Page:Rolland - Beethoven, 1.djvu/96

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BEETHOVEN

avertis une erreur ou une bizarrerie, est voulue, dès le premier dessin du morceau, avant même que rien du reste soit arrêté[1]. Et la volonté en maintient ridée, à travers tous les « états » successifs de la gravure jusqu’à la fin.

Ainsi, nous avons là deux éléments essentiels du premier jet :

1o La modulation, qui indique les pentes du courant et la direction ;

2o Les rapides du fleuve, au tournant, — les brisants.

C’est tout.

Maintenant, à la volonté, d’explorer le tracé de la contrée !

La volonté, qui, chez les artistes du second ordre, a un caractère de raison tiède et appliquée, est toujours chez Beethoven brûlante de génie, autant et plus encore que l’inspiration première. Car, comme j’aurai l’occasion de le montrer un jour[2], le propre de ce génie étant dans son subconscient, il ne se connaît pas lui-même avant de se découvrir ; et il se découvre, à chaque coup de pic dans le rocher, qui fait sauter les rudes éclats de l’enveloppe de pierre, — à chaque coup de bêche dans le limon qui engaîne l’idée, — il se déterre, à la sueur de son front. L’obscur et puissant instinct sait où il doit aller. L’esprit a repéré la direction du tunnel à creuser. Mais il ignore les surprise»

1. Le dessin ci-dessus figure sur une des premières pages du Livr« d’Esquisses (page A). — Cf. Nottebohm, p. 28 de sa réédition de 1924.

2. Je me propose de consacrer un chapitre à l’analyse des lois qui semblent commander ce subconscient créateur.

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