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BEETHOVEN

l’adagio au scherzo[1]. — Il paraît si peu justifié qu’on serait porté à l’attribuer à une routine qui se plie au mécanisme d’horlogerie du quatuor-sonate de son temps. Mais l’examen des esquisses nous apprend que la composition du scherzo n’a pas suivi, elle a précédé celle de l’adagio. (Cf. Nottebohm, II, p. 543). Et si l’on se rappelle que, d’autre part, les premières esquisses de l’adagio, conçues dans un esprit frivole, « la gaieté », faisaient suite à celles du premier morceau, — on arrive à cette constatation que la première conception du quatuor était beaucoup moins intime, et le Scherzo y avait sa place marquée d’avance : c’est au contraire l’Adagio, dont la révélation inattendue s’est produite tardivement, quand le plan général était à peu près arrêté. Elle a été sans doute la fleur d’une illumination de l’âme, en les beaux jours d’été. — De même, le Lento assai du dernier quatuor semble avoir

  1. Hugo Riemann, qui a la passion de l’unité thématique, et qui, dans son acharnement maniaque à la découvrir, établit des rapprochements invraisemblables, fait sortir le Scherzando de l’Adagio, comme une septième Variation. — Aussi bien fait-il sortir du premier morceau l’adagio et le finale. — Il faut le vouloir, pour le voir. — Je pense qu’on doit être très réservé dans ces rapprochements. Il va de soi qu’il existe toujours des ressemblances de style dans les œuvres diverses d’un même écrivain, encore bien plus dans une même œuvre car il a sa nature propre de s’exprimer. Mais ces ressemblances sont le plus souvent involontaires ; et même, quand il les remarque, le grand artiste est porté à les modifier ; (nous en relèverons un exemple dans le finale de ce quatuor). On n’en peut donc déduire nécessairement la volonté d’unité de toutes les parties d’une même œuvre. Cette volonté, certes, Beethoven l’a eue et puissamment réalisée dans quelques-unes de ses grandes œuvres, comme le quatuor op. 132 qui a suivi immédiatement celui que nous examinons ici. Mais je ne crois pas qu’il y ait sérieusement songé, pour l’op. 127. Il a pris soin seulement d’équilibrer harmonieusement les diverses parties de son tableau.