Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/184

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d’ouvrir les mandibules. Je pensais, le cœur serré :

— Assurément, je m’en vas. L’appétit est défunt. C’est le commencement de la fin…

Or, donc, sachons au moins mettre nos affaires en ordre. Si je me laisse mourir ici, ces brigands d’échevins feront brûler ma maison, sous prétexte (sornettes ! ) que d’autres y prendront la peste. Une maison toute neuve ! Faut-il que le monde soit méchant ou soit bête ! Plutôt que cela soit, j’aimerais mieux sur mon fumier crever. Nous les attraperons bien ! Ne perdons pas de temps…

Je me lève, je mets mon habit le plus vieil, je prends trois ou quatre bons livres, quelques belles sentences, des contes gras de Gaule, des apophtegmes de Rome, les Mots dorés de Caton, les Serées de Bouchet, et le Nouveau Plutarque de Gilles Corrozet ; je les mets dans ma poche avec une chandelle et un quignon de pain ; je congédie l’apprenti ; je ferme mon logis, et bravement je vas à mon coûta, [10] hors la ville, passé la dernière maison, sur la route de Beaumont. Le logis n’est pas grand. Une bicoque. Une pièce de débarras où l’on met les outils, une vieille paillasse et une chaise défoncée. Si l’on doit les brûler, le mal ne sera pas grand.

Je n’étais pas arrivé que je commençais de claquer du bec, comme un corbeau. La fièvre me brûlait, j’avais un point de côté, et le gésier tordu, comme s’il était retourné… Lors, que fis-je, braves gens ?