Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/26

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trop s’y fier ; mais ce n’est plus mon affaire. Elle m’a fait assez veiller, trotter. À mon gendre ! c’est son tour. Florimond, le pâtissier, qu’il veille sur son four !… Nous disputons toujours, chaque fois que nous nous voyons ; mais avec aucun autre, si bien ne nous entendons. Brave fille, avisée jusque dans ses folies, et honnête, pourvu que l’honnêteté rie : car pour elle, le pire des vices, c’est ce qui ennuie. Elle ne craint point la peine : la peine, c’est de la lutte ; la lutte, c’est du plaisir. Et elle aime la vie ; elle sait ce qui est bon ; comme moi : c’est mon sang. J’en fus trop généreux, seulement, en la faisant.

Je n’ai pas aussi bien réussi les garçons. La mère y a mis du sien, et la pâte a tourné : sur quatre, deux sont bigots, comme elle, et, par surcroît, de deux bigoteries ennemies. L’un est toujours fourré parmi les jupons noirs, les curés, les cafards ; et l’autre est huguenot. Je me demande comment j’ai couvé ces canards. Le troisième est soldat, fait la guerre, vagabonde, je ne sais pas trop où. Et quant au quatrième, il n’est rien, rien du tout : un petit boutiquier, effacé, moutonnier ; je bâille, rien que d’y penser. Je ne retrouve ma race que la fourchette au poing, quand nous sommes assis, les six, autour de ma table. À table, nul ne dort, chacun y est bien d’accord ; et c’est un beau spectacle de nous voir, tous six, manœuvrer des mâchoires, abattre pain à deux mains, et descendre le vin sans corde ni poulain.

Après le mobilier, parlons de la maison. Elle