Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/275

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e, tenait de ses bras noirs et noueux le bâton du saint de la rivière, en forme de bateau recourbé des deux bouts, sur lequel Nicolas bénit avec sa crosse les trois petits enfants assis dans le baquet. Quatre vieux mariniers l’escortaient en portant quatre cierges jaunis, épais comme des cuisses et durs comme des triques, dont ils étaient tout prêts à user, au besoin. Et Calabre, fronçant les sourcils et levant vers le saint son œil unique, marchait en écartant les jambes et bombant ce qu’il avait de ventre.

Suivaient les compagnons du pot d’étain, les fils de saint Éloi, couteliers, serruriers, charrons et maréchaux que précédait Gangnot à la main mutilée, portant haut dans sa pince à deux doigts une croix, et, sculptés sur le manche, en faisceau, l’enclume et le marteau. Et les hautbois sonnaient « la culotte à l’envers du bon roi Dagobert » .

Puis, venaient vignerons, tonneliers, chantant l’hymne du vin et de son saint, Vincent, qui, perché sur le bout du bâton, étreignait un broc dans une main et dans l’autre un raisin. Menuisiers, charpentiers, saint Joseph et sainte Anne, gendre et belle-maman, bons soiffards, nous suivions le patron des bouchons, en claquant de la langue et louchant vers le piot. Et les saint Honoré, gras et blancs de farine, comme un trophée romain, dressaient sur un harpon un pain rond surmonté d’une couronne blonde. Après les blancs, les noirs, les gniafs empoissés, qui dansaient en faisant claquer leurs tire-pieds, autour de saint Crépin. Enfin, pour le bouquet, saint