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XII

LA MAISON DES AUTRES

Octobre.

J’ai dû prendre parti enfin pour le logement. Tant que j’ai pu, j’ai tardé. On recule, pour mieux sauter. Depuis que je n’ai plus pour foyer que des cendres, j’ai campé un jour ci, un jour là, chez un ami, chez l’autre ; les gens ne manquaient point, qui me gardaient chez eux, une nuit ou deux, en attendant. Aussi longtemps que le souvenir des périls de tous pesait sur tous, on formait un troupeau et chacun se sentait, chez les autres, chez soi. Mais cela ne pouvait durer. Le danger s’éloignait. Chacun rentrait son corps dans sa coquille. Hors ceux qui n’avaient plus de corps, et moi qui n’avais plus de coquille. Je ne pouvais pourtant m’installer à l’auberge. J’ai deux fils et une fille, qui sont bourgeois de Clamecy, ils ne me l’eussent pas permis. Non pas que les deux garçons en eussent beaucoup pâti dans leur affection ! Mais le qu’en-dira-t-on !… Ils n’étaient pas pressés cependant de m’avoir. Et je ne me hâtais point. Mon franc-parler jure trop avec