Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/294

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m’en aller à Dornecy. Le ciel était bas et gris. Le vent humide et las passait, comme un grand oiseau mouillé. La terre vous collait aux pieds ; et sur les champs tombaient, planant, les feuilles jaunes des noyers. Aux premiers mots que je lui dis, Paillard, inquiet, m’interrompit, en geignant sur le peu d’affaires, l’absence des recouvrements, manque d’argent, mauvais clients, tant et si bien que je lui dis :

— Mais, Paillard, veux-tu que je te prête un liard ?

J’étais froissé. Il l’était plus. Et nous restâmes à bouder, en nous parlant, d’un air glacé, de ci, de ça, moi furieux, et lui honteux. Il regrettait sa ladrerie. Le pauvre vieux n’est pas mauvais garçon ; il m’aime, je le sais bien, parbleu ; il n’eût pas demandé mieux que de me donner son argent, s’il ne lui en avait rien coûté ; et même, en insistant, j’eusse obtenu de lui ce que j’aurais voulu ; mais ce n’est pas sa faute, s’il porte dans sa peau trois siècles de fesse-mathieux. On peut être bourgeois et généreux, sans doute : cela se voit parfois, ou bien s’est vu, dit-on ; mais pour tout bon bourgeois, le premier mouvement, quand on touche à sa bourse, est de répondre non. L’ami Paillard eût donné gros, en ce moment, pour dire oui ; mais pour cela, il eût fallu que je lui fisse de nouveau des avances : je n’avais garde. J’ai mon orgueil ; quand je demande à un ami, je crois lui faire un grand plaisir ; et s’il hésite, je n’en veux plus, tant pis pour lui ! Donc nous parlâmes d’autre chose, d’un ton bourru, et le cœur gros. Je refusai de déjeuner (je le navrais). Je me levai. La tête