Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/333

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

au temps jadis, un entretien du roi Henry avec le duc de Nivernois. Ils gémissaient de la manie de leurs François, acharnés à s’entre-détruire. Le roi disait : « Ventre-saint-gris ! j’aurais envie, pour les calmer, qu’on me les cousît deux à deux, dans un sac, moine enragé et prédicant de l’Évangile frénétique, et qu’en la Loire, ainsi qu’une portée de chats, on les jetât. » Et Nivernois riant, disait :

« Pour moi, je me contenterais de les expédier, en ballots, dans cet

îlot, où, nous dit-on, Messieurs de Berne font déposer sur le rivage maris et femmes querelleurs, qu’un mois après, quand le bateau vient les reprendre, on retrouve, roucoulant d’amour tendre, comme des tourtereaux. » Vous auriez bien besoin d’une cure pareille ! Vous grognez, marmousets ? Vous vous tournez le dos ?… Eh ! regardez-vous donc, enfants ! Vous avez beau croire que vous êtes chacun pétri d’autre matière et bien mieux que vos frères ; vous êtes quatre moutures ejusdem farinæ, des Breugnons tout crachés, des Bourguignons salés. Ardez-moi ce grand nez insolent qui s’étale en travers du visage, cette bouche entaillée largement dans l’écorce, entonnoir à verser le boire, ces yeux embroussaillés qui voudraient bien avoir l’air méchants, et qui rient ! Mais vous êtes signés ! Voyez-vous pas qu’en vous nuisant, c’est vous-mêmes que vous détruisez ? Et feriez-vous pas mieux de vous donner la main ?… Vous ne pensez pas de même. La belle affaire ! Eh ! tant mieux ! Voudriez-vous cultiver tous le même champ ? Plus la famille aura de champs et de pensées, plus nous