Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/336

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dans la nuit de Noël, je lorgne, comme du fond d’un puits, en haut le ciel étoilé, ses paupières qui clignotent, ses petits cœurs qui grelottent ; et j’entends venir les cloches, qui dans l’air lisse volent, volent, sonnant la messe de minuit. J’aime qu’il soit né, l’Enfant, à cette heure de la nuit, à cette heure la plus sombre, où le monde paraît finir. Sa petite voix chante : « Ô jour, tu reviendras ! Tu viens déjà. Année nouvelle, te voilà ! » Et l’Espoir, sous ses chaudes ailes, couvre la nuit d’hiver glacée, et l’attendrit.

Je suis tout seul à la maison ; mes enfants sont à l’église ; pour la première fois, je n’y vais point. Je reste, avec mon chien Citron et mon gris chaton Patapon. Nous rêvassons et regardons le feu lécher la cheminée. Je rumine ma soirée. Tout à l’heure, j’avais près de moi ma couvée ; je contais à Glodie, qui faisait les yeux ronds, des histoires de fées, et de Bout-de-Canard et de Poussin pelé, et du garçon qui fait fortune avec son coq, en le vendant aux gens qui vont dans leurs charrettes chercher le jour pour l’y charrier. Nous nous sommes bien amusés. Les autres écoutaient et riaient, et chacun ajoutait son trait. Et puis, l’on se taisait, par moments, épiant l’eau qui bout, les tisons, et sur la vitre les frissons des blancs flocons, et sous la cendre le grillon. Ah ! les bonnes nuits d’hiver, le silence, la tiédeur du petit troupeau serré, les rêveries de la veillée où l’esprit aime à divaguer, mais il le sait, et s’il délire, c’est pour rire…

À présent, je fais mon bilan du bout de l’an, et