Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/64

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Vézeliens et Clamecycois, nous avions les uns pour les autres bien plus d’estime qu’au potage : c’est au manger que l’on apprend ce que vaut l’homme. Qui aime ce qui est bon, je l’aime : il est bon Bourguignon.

Enfin, pour achever de nous mettre d’accord, nous digérions notre dîner, lorsque parurent les renforts que M. de Nevers envoyait pour nous protéger. Nous rîmes bien ; et nos deux camps, très poliment, les prièrent de s’en retourner. Ils n’osèrent pas insister, et s’en allèrent tout penauds, comme chiens que brebis font paître. Et nous disions, nous embrassant :

— Étions-nous bêtes de nous battre pour le profit de nos gardiens ! Si nous n’avions pas d’ennemis, ils en inventeraient, parbleu ! pour nous défendre. Grand merci ! Dieu nous sauve de nos sauveurs ! Nous nous sauverons bien tout seuls. Pauvres moutons ! Si nous n’avions à nous défendre que du loup, nous saurions bien nous en garder. Mais qui nous gardera du berger ?