Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/86

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princes jouent avec la quenouillette, la quenouilleuse… « Les jeux des princes plaisent à ceux-là qui les font… » Ces larrons vont pêcher dedans le grand vivier, et vider le trésor de l’or et des victoires futures endormies dans les coffres de l’Arsenal, que garde M. de Sully. Ah ! que le vengeur vienne, qui leur fera cracher la tête, avec l’or qu’ils ont mangé !

Là-dessus nous en dîmes plus qu’il n’est prudent de le noter : car sur ce chant donné, nous étions tous d’accord. Et nous fîmes aussi quelques variations sur les princes enjuponnés, sur les cafards empantouflés, les gras prélats, et sur les moines fainéants. Je dois dire que Chamaille improvisait sur ce sujet les plus beaux chants, les plus brillants. Et le trio continua de marcher en mesure, tous trois comme une voix, quand nous prîmes pour thème, après les mielleux, les fielleux, après les faux dévots ceux-là qui le sont trop, les fanatiques de tout poil, huguenots, cagots, nigauds, ces imbéciles qui prétendent, pour imposer l’amour de Dieu, le faire entrer à coup de trique, ou bien de dague dans la peau ! Le bon Dieu n’est pas un ânier, pour nous mener par le bâton. Qui veut se damner, qu’il se damne ! Faut-il encore le tourmenter, de son vivant, et le brûler ? Dieu merci, laissez-nous tranquilles ! Que chacun vive, en notre France, et laisse vivre son prochain ! Le plus impie est un chrétien : car Dieu est mort pour tous les hommes. Et puis, le pire et le meilleur, au bout du compte, ce sont deux pauvres animaux : orgueil ne sied ni dureté ; ils se ressemblent, comme deux gouttes d’eau.