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LA NOUVELLE JOURNÉE

teux et bon pour des esclaves, qui jouent avec leurs chaînes, impuissants à les briser.

Trop vigoureux pour se satisfaire du doute, trop faible pour se créer une certitude, il la voulait, il la voulait. Il la demandait, il l’implorait, il l’exigeait. Et les éternels happeurs de popularité, les faux grands écrivains, les faux penseurs à l’affût, exploitaient ce magnifique désir impérieux et angoissé, en battant du tambour et faisant le boniment pour leur orviétan. Du haut de ses tréteaux, chacun de ces Hippocrates criait que son élixir était le seul qui fût bon, et décriait les autres. Leurs secrets se valaient tous. Aucun de ces marchands ne s’était donné la peine de trouver des recettes nouvelles. Ils avaient été chercher au fond de leurs armoires des flacons éventés. La panacée de l’un était l’Église catholique ; de l’autre, la monarchie légitime ; d’un troisième, la tradition classique. Il y avait de bons plaisants qui montraient le remède à tous les maux dans le retour au latin. D’autres prônaient sérieusement, avec un verbe énorme qui en imposait aux badauds, la domination de l’esprit méditerranéen. (Ils eussent aussi bien parlé, en un autre moment, d’un esprit atlantique.) Contre les barbares du Nord et de l’Est, ils s’instituaient avec pompe les