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LA FIN DU VOYAGE

jusqu’à ce qu’il tombe. Ce fatalisme soutenait son corps. L’amour soutenait son cœur. À présent que sa vie était usée, elle vivait en Christophe. Pourtant, elle évitait, avec plus de soin que jamais, d’exprimer dans ses lettres l’amour qu’elle avait pour lui. Sans doute, parce que cet amour était plus grand. Mais aussi, parce qu’elle sentait peser dessus le veto du petit mort, qui lui faisait un crime de cette affection. Alors, elle se taisait, elle s’obligeait à ne plus écrire, de quelque temps.

Christophe ne comprenait pas les raisons de ces silences. Parfois, il saisissait, dans le ton uni et tranquille d’une lettre, des accents inattendus où semblait frémir une voix passionnée. Il en était bouleversé ; mais il n’osait rien dire ; à peine l’osait-il remarquer ; il était comme un homme qui retient son souffle et qui craint de respirer, de peur que l’illusion ne cesse. Il savait que, presque infailliblement, ces accents seraient rachetés, dans la lettre suivante, par une froideur voulue… Puis, de nouveau, le calme… Mecresstille