Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 10.djvu/263

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L’incendie qui couvait dans la forêt d’Europe commençait à flamber. On avait beau l’éteindre, ici ; plus loin, il se rallumait ; avec des tourbillons de fumée et une pluie d’étincelles, il sautait d’un point à l’autre et brûlait les broussailles sèches. À l’Orient, déjà, des combats d’avant-garde préludaient à la grande guerre des nations. L’Europe tout entière, l’Europe hier encore sceptique et apathique, comme un bois mort, était la proie du feu. Le désir du combat possédait toutes les âmes. À tout instant, la guerre était sur le point d’éclater. On l’étouffait, elle renaissait. Le prétexte le plus l’utile lui était un aliment. Le monde se sentait à la merci d’un hasard, qui déchaînerait la mêlée. Il attendait. Sur les plus pacifiques pesait le sentiment de la nécessité. Et des idéologues, s’abritant sous l’ombre massive du cyclope Proudhon, célébraient dans la guerre le plus beau titre de noblesse de l’homme…

C’était donc à cela que devait aboutir la

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