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LA NOUVELLE JOURNÉE

— Hélas ! le flot m’emporte.

— Le fleuve qui t’emporte, nous emporte avec toi.

— Où allons-nous ?

— Au lieu où nous serons réunis.

— Sera-ce bientôt ?

— Regarde.

Et Christophe, faisant un suprême effort pour soulever la tête, — (Dieu ! qu’elle était pesante !) — vit le fleuve débordé, couvrant les champs, roulant auguste, lent, presque immobile. Et, comme une lueur d’acier, au bord de l’horizon, semblait courir vers lui une ligne de flots d’argent, qui tremblaient au soleil. Le bruit de l’Océan… Et son cœur, défaillant, demanda :

— Est-ce Lui ?

La voix de ses aimés lui répondit :

— C’est Lui.

Tandis que le cerveau, qui mourait, se disait :

— La porte s’ouvre… Voici l’accord que je cherchais !… Mais ce n’est pas la fin ? Quels espaces nouveaux !… Nous continuerons demain.

Ô joie, joie de se voir disparaître dans la paix souveraine du Dieu, qu’on s’est efforcé de servir, toute sa vie !…

— Seigneur, n’es-tu pas trop mécontent