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LA NOUVELLE JOURNÉE

tophe peu de charme. Son long isolement l’avait rendu casanier ; il n’avait plus de goût à ces déplacements inutiles, où se complaît l’oisiveté fiévreuse des gens d’aujourd’hui. Il avait peur d’un changement d’habitudes, dangereux pour le travail régulier de l’esprit. D’ailleurs, l’Italie ne l’attirait point. Il ne la connaissait que par l’infâme musique des véristes et par les airs de ténor que la terre de Virgile inspire périodiquement aux littérateurs en voyage. Il ressentait pour elle l’hostilité méfiante d’un artiste d’avant-garde, qui a trop souvent entendu invoquer le nom de Rome par les pires champions de la routine académique. Enfin, ce vieux levain d’antipathie instinctive, qui couve au fond des cœurs de tous les hommes du Nord pour les hommes du Midi, ou du moins pour le type légendaire de jactance oratoire qui représente, aux yeux des hommes du Nord, les hommes du Midi. Rien que d’y penser, Christophe faisait sa lippe dédaigneuse… Non, il n’avait nulle envie de faire plus ample connaissance avec le peuple sans musique — (que comptent, dans la musique de l’Europe actuelle, ses grattements de mandoline et ses vociférations de mélodrames hâbleurs ?) — Mais à ce peuple pourtant, Grazia appartenait. Pour la retrouver, jusqu’où et par quels