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Jean-Christophe

par le bruit, un peu inquiet aussi, mais se gardant bien de l’avouer.

Et soudain, ce fut fini. L’orage était passé, comme il était venu. Mais ils étaient tous deux en un piteux état. À la vérité, Christophe était si débraillé, à l’ordinaire, qu’un peu plus de désordre ne le changeait guère. Mais Otto, si soigné, si soigneux de sa mise, faisait triste figure ; il semblait sortir tout habillé du bain ; et quand Christophe se retourna vers lui, il ne put, en le voyant, réprimer un éclat de rire. Otto était dans un tel affaissement, qu’il n’eut même pas la force de se fâcher. Christophe en eut pitié, il lui parla gaiement. Otto lui répondit d’un coup d’œil furieux. Christophe le fit entrer dans une ferme. Ils se séchèrent devant un grand feu et burent du vin chaud. Christophe trouvait l’aventure plaisante, il essaya d’en rire. Mais elle n’était pas du goût d’Otto, qui garda un morne silence, le reste de la promenade. Ils revinrent en boudant, et ne se tendirent pas la main, au moment de se quitter.

À la suite de cette équipée, ils ne se virent plus d’une semaine. Ils se jugeaient sévèrement l’un l’autre. Mais après s’être punis eux-mêmes, en se privant d’un de leurs dimanches de promenade, ils s’ennuyèrent tellement que leur rancune tomba. Christophe fit les premières avances, selon son ha-

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