blaient dormir dans les derniers rayons de soleil. Au bout de quelques minutes, il avait perdu le souvenir de l’objet de sa curiosité, et il s’abandonnait, comme il faisait toujours, à la douceur du silence. Cette place baroque, — debout, en équilibre instable sur le faîte de la borne, — était un lieu d’élection pour ses rêves. Au sortir de la ruelle laide, étouffée, dans l’ombre, ces jardins ensoleillés avaient un rayonnement magique. Son esprit s’en allait à la dérive dans ces espaces harmonieux, et des musiques chantaient en lui ; il s’endormait en elles, oubliant le temps, les choses, attentif seulement à ne rien perdre du murmure de son cœur.
Il rêvait ainsi, les yeux, la bouche ouverts, et il n’aurait pu dire depuis quand il rêvait ; car il ne voyait rien. Soudain, il eut un saisissement. Devant lui, au détour d’une allée, debout, le regardaient deux figures féminines. L’une, — une jeune dame en noir, aux traits fins, incorrects, aux cheveux blond cendré, grande, élégante, un laisser-aller nonchalant dans la pose de la tête, l’observait avec des yeux bienveillants et railleurs. L’autre, — une fillette de quinze ans, également en grand deuil, faisait la mine d’une enfant prise d’un accès de fou rire ; un peu en arrière de sa mère, qui, sans la regarder, lui faisait signe de se taire, elle se cachait la bouche dans ses mains, comme si elle avait toutes