Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 2.djvu/154

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Christophe ne comprenait naturellement rien au mécanisme compliqué, — plus compliqué en apparence qu’en réalité, — du cœur féminin. Il était souvent dérouté par les façons de ses belles amies ; mais il était si heureux de les aimer, qu’il leur faisait crédit de tout ce qui chez elles l’inquiétait et l’attristait un peu, afin de se persuader qu’il en était aimé autant qu’il les aimait. Un mot ou un regard affectueux le plongeait dans le ravissement. Il en était si bouleversé parfois, qu’il avait des crises de larmes.

Assis devant la table, dans le tranquille petit salon, à quelques pas de madame de Kerich, qui cousait à la lueur de la lampe… — (Minna lisait de l’autre côté de la table, ils ne se parlaient pas ; par la porte entr’ouverte du jardin, on voyait le sable de l’allée briller au clair de lune ; un murmure léger venait des cimes des arbres…) — il se sentait le cœur si gonflé de bonheur, que brus-

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