Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 2.djvu/190

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
Jean-Christophe

plus. » Il alla chez elle, avant qu’il fût huit heures. Elle n’était pas levée. Il essaya de se promener au jardin : il ne put pas, il revint. Les corridors étaient pleins de malles et de paquets ; il s’assit dans le coin d’une chambre, épiant les bruits de porte, les craquements de plancher, reconnaissant les pas qui trottaient à l’étage au dessus. Madame de Kerich passa, eut un léger sourire en le voyant, et lui jeta, sans s’arrêter, un bonjour railleur. Minna parut enfin ; elle était pâle, elle avait les yeux gonflés ; elle n’avait pas plus dormi que lui, cette nuit. Elle donnait des ordres aux domestiques, d’un air affairé ; elle tendit la main à Christophe, en continuant de parler à la vieille Frida. Elle était déjà prête à partir. Madame de Kerich revint. Elles discutèrent ensemble, au sujet d’un carton à chapeau. Minna ne semblait faire aucune attention à Christophe, qui se tenait, oublié, malheureux, à côté du piano. Elle sortit avec sa mère, puis rentra ; du seuil elle cria encore quelque chose à madame de Kerich. Elle ferma la porte. Ils étaient seuls. Elle courut à lui, lui saisit la main, et l’entraîna dans le petit salon voisin, dont les volets étaient clos. Alors elle approcha brusquement sa figure de celle de Christophe, et elle l’embrassa de toutes ses forces. Elle demandait, en pleurant :

— Tu promets, tu promets, tu m’aimeras toujours ?

178