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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

les mains de baisers et de larmes. Antoinette, assise à l’autre coin du compartiment, et tournée vers la fenêtre, pleurait silencieusement. Ils ne pleuraient pas tous trois pour la même raison. Mme Jeannin et Olivier ne pensaient qu’à ce qu’ils laissaient derrière eux. Antoinette pensait bien davantage à ce qu’ils allaient trouver : elle se le reprochait ; elle eût voulu s’absorber dans ses souvenirs… — Elle avait raison de songer à l’avenir : elle avait une vue plus exacte des choses que sa mère et son frère. Ils se faisaient des illusions sur Paris. Antoinette elle-même était loin de se douter de ce qui les y attendait. Ils n’y étaient jamais venus encore. Mme Jeannin se figurait que, si triste que fût leur situation, elle n’était pas inquiétante. Elle avait à Paris une sœur, richement mariée avec un magistrat ; et elle comptait sur son aide. Elle était convaincue d’ailleurs que ses enfants, avec l’éducation qu’ils avaient reçue, et