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ANTOINETTE

rent de leur ignorance pour se faire payer le double. Mme Jeannin avait donné l’adresse d’un de ces hôtels médiocres et chers, achalandés par les provinciaux, qui, parce qu’un de leurs grands-pères y alla trente ans auparavant, continuent d’y aller, malgré tous les inconvénients. On les y écorcha. L’hôtel était plein, disait-on : on les empila tous ensemble dans un étroit local, en leur comptant le prix de trois chambres. Au dîner, ils voulurent faire des économies, en évitant la table d’hôte ; ils se commandèrent un modeste menu, qui leur coûta aussi cher, et qui les affama. Dès les premières minutes de leur arrivée, leurs illusions étaient tombées. Et, dans cette première nuit d’hôtel, où, entassés dans une chambre sans air, ils n’arrivaient pas à dormir, ayant froid, ayant chaud, ne pouvant respirer, tressautant au bruit des pas dans le corridor, des portes qu’on fermait, des sonneries électriques, le cerveau meurtri