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ANTOINETTE

retenait malgré elle par l’expression de suavité profonde de ses doux yeux fatigués et de sa petite bouche pure. Elle s’apercevait bien quelquefois qu’elle plaisait : elle en était confuse, — contente tout de même. Qui dira ce qui peut entrer, à son insu, de gentiment, de chastement coquet, dans une âme tranquille, qui sent le contact sympathique d’autres âmes ? Cela se traduisait par une légère gaucherie dans les gestes, un regard timide, jeté de côté ; et c’était à la fois plaisant et touchant. Ce trouble était un attrait de plus. Elle excitait les désirs ; et, comme elle était une fille pauvre, et sans protecteur dans la vie, on ne se gênait pas pour les lui dire.

Elle allait quelquefois dans un salon de riches Israélites, les Nathan, qui s’intéressaient à elle pour l’avoir rencontrée chez une famille amie, où elle donnait des leçons ; et même, elle n’avait pu se dispenser, malgré sa sauvagerie, d’assister, une ou deux