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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

siers et aux plus intelligents, d’être depuis des siècles un morceau de cette terre, de vivre de sa vie, de respirer son souffle, d’entendre battre son cœur contre le sien, comme deux êtres couchés dans le même lit, côte à côte, de saisir ses frissons imperceptibles, les mille nuances des heures, des saisons, des jours clairs ou voilés, la voix et le silence des choses. Et ce ne sont peut-être pas les pays les plus beaux, ni ceux où la vie est la plus douce, qui prennent le cœur davantage, mais ceux où la terre est le plus simple, le plus humble, le plus près de l’homme, et lui parle une langue intime et familière.

Tel, le petit pays du centre de la France, où vivaient les Jeannin. Pays plat et humide, vieille petite ville endormie, qui mire son visage ennuyé dans l’eau trouble d’un canal immobile ; autour, champs monotones, terres labourées, prairies, petits cours d’eau, grands bois, champs monotones… Nul site,