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ANTOINETTE

il ne savait plus travailler, ni ne rien faire, ni rêver — si ce n’était à elle. Il s’acharnait sur ses livres, du matin au soir ; mais il ne faisait rien de bon : sa pensée était ailleurs ; il souffrait, ou il pensait à elle, il pensait à la lettre de la veille ; les yeux fixés sur l’horloge, il attendait la lettre d’aujourd’hui ; et, quand elle arrivait, ses doigts tremblaient de joie, — de peur, aussi, — en déchirant l’enveloppe. Jamais lettre d’amoureuse ne causa aux mains de l’amoureux un tel frémissement de tendresse inquiète. Il se cachait, comme Antoinette, pour lire ces lettres ; il les portait toutes sur lui ; et, la nuit, il avait, sous son oreiller, la dernière reçue ; il la touchait de temps en temps, pour s’assurer qu’elle était toujours là, dans les longues insomnies où il rêvait de sa chère petite. Comme il se sentait loin d’elle ! Il en était particulièrement oppressé, quand un retard de la poste lui faisait parvenir la lettre d’Antoinette, le sur-