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ANTOINETTE

serrait les lèvres, et se remettait en marche. Sa santé était atteinte : elle maigrissait beaucoup. Les lettres de son frère se faisaient de plus en plus découragées. Dans une crise d’abattement, il écrivit :

« Reviens, reviens, reviens !… »

Mais la lettre n’était pas envoyée, qu’il en avait honte ; et il en écrivit une autre, où il suppliait Antoinette de déchirer la première et de n’y plus penser. Il affectait même d’être gai, et de n’avoir pas besoin de sa sœur. Son amour-propre ombrageux souffrait qu’on pût croire qu’il était incapable de se passer d’elle.

Antoinette ne s’y trompait pas ; elle lisait toutes ses pensées ; mais elle ne savait que faire. Un jour, elle était sur le point de partir ; elle allait à la gare pour connaître exactement l’heure du train pour Paris. Et puis, elle se disait que c’était une folie : l’argent qu’elle gagnait ici servait à payer la pension d’Olivier ; tant qu’ils pourraient