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ANTOINETTE

presque, sans rien voir autour d’eux ; en traversant le boulevard, ils faillirent être écrasés. Ils se répétaient :

— Mon petit !… Ma petite !…

Ils remontèrent, quatre à quatre, leurs étages. Rentrés dans leur chambre, ils se jetèrent dans les bras l’un de l’autre. Antoinette prit son frère par la main, et le conduisit devant les photographies de leur père et de leur mère, qu’elle avait près de son lit, dans un coin de sa chambre, qui était comme son sanctuaire ; elle s’agenouilla avec lui devant elles ; et ils prièrent et pleurèrent tout bas.

Antoinette voulut faire venir un bon petit dîner ; mais ils ne purent y toucher : ils n’avaient pas faim. Ils passèrent la soirée, Olivier aux genoux de sa sœur, ou sur ses genoux, se faisant câliner comme un petit enfant. Ils parlaient à peine. Ils n’avaient même plus la force d’être heureux, ils étaient brisés tous deux. Ils se couchèrent