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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

sevré d’amis ; il n’avait guère connu, en dehors de sa sœur, que ses grossiers camarades de lycée et leurs maîtresses, qui lui inspiraient du dégoût. C’était une grande douceur pour lui de se trouver au milieu de garçons et de filles de son âge, bien élevés, aimables et gais. Bien qu’il fût très sauvage, il avait une curiosité naïve, un cœur sentimental et chastement sensuel, qu’hypnotisaient toutes les petites flammes pâlottes et falottes, qui brillent dans les yeux féminins. Lui-même pouvait plaire, en dépit de sa timidité. Le candide besoin qu’il avait d’aimer et d’être aimé lui donnait, à son insu, une grâce juvénile, et lui faisait trouver des mots, des gestes, des prévenances affectueuses, que leur gaucherie même rendait plus attrayants. Il avait le don de la sympathie. Quoi que son intelligence, devenue très ironique dans la solitude, lui fît voir de la vulgarité des gens et de leurs défauts, que souvent il haïssait, —