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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

dans l’ombre, elle resta assise devant sa table, sans avoir le courage d’enlever son chapeau ni ses gants. Elle était malheureuse de n’avoir pu lui parler ; et, en même temps, elle avait une lumière dans le cœur ; elle ne voyait plus l’ombre, elle ne voyait plus le mal qui la travaillait. Elle repassait indéfiniment tous les détails de la scène qui venait d’avoir lieu ; et elle les changeait, elle se représentait ce qui serait arrivé, si telle ou telle circonstance avait été autre. Elle se voyait tendant les bras vers Christophe, elle voyait l’expression de joie de Christophe en la reconnaissant, et elle riait, et elle rougissait. Elle rougissait ; et, seule, dans l’obscurité de sa chambre, où nul ne pouvait la voir, où elle pouvait à peine se voir elle-même, elle lui tendait les bras, de nouveau. Ah ! c’était plus fort qu’elle : elle se sentait disparaître, et elle cherchait instinctivement à s’accrocher à la puissante vie qui passait auprès d’elle, et