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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

Car il avait cette étrange nostalgie des terres lointaines, « ces rêves océaniques », qui tourmentent parfois les jeunes garçons des petites villes de province françaises. Un fourré lui cachait la maison ; et il pouvait se croire très loin. Mais il se savait tout près ; et il en était bien aise : car il n’aimait pas trop à s’éloigner tout seul ; il se sentait perdu dans la nature. Les arbres houlaient autour de lui. À travers le nid de feuillage il voyait au loin les vignes jaunissantes, et les prairies où paissaient les vaches bigarrées, dont les meuglements lents et plaintifs remplissaient le silence de la campagne assoupie. Les coqs à la voix perçante se répondaient d’une ferme à l’autre. On entendait le rythme inégal des fléaux dans les granges. Dans cette paix des choses, la vie fiévreuse des myriades d’êtres continuait de couler à pleins bords. Olivier surveillait d’un œil inquiet les colonnes des fourmis perpétuellement pressées, et les abeilles