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ANTOINETTE

Le banquier Jeannin était faible, confiant, un peu vaniteux. Il aimait jeter de la poudre aux yeux, et confondait volontiers « être » avec « paraître ». Il dépensait beaucoup, à tort et à travers, sans que ces gaspillages, il est vrai, que les habitudes d’économie séculaire venaient modérer, par accès de remords, — (il dépensait un stère de bois, et lésinait sur une allumette) — vinssent sérieusement entamer son avoir. Il n’était pas non plus très prudent dans ses affaires. Il ne refusait jamais de prêter de l’argent à des amis ; et ce n’était pas bien difficile d’être de ses amis. Il ne prenait même pas toujours la peine de se faire donner un reçu ; il tenait un compte négligent de tout ce qu’on lui devait, et qu’il ne réclamait guère, si on ne le lui offrait point. Il comptait sur la bonne foi des autres, comme il entendait qu’on comptât sur la sienne. Il était d’ailleurs plus timide que ne l’eussent laissé croire ses manières