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ANTOINETTE

racontait. M. Jeannin se taisait ; ses yeux allaient d’Antoinette à Olivier, et le pli de son front se creusait de plus en plus. Au milieu d’un récit de la fillette, il n’y tint plus, il se leva de table, et il alla vers la fenêtre, pour cacher son émotion. Les enfants plièrent leurs serviettes, et se levèrent aussi. Mme Jeannin les envoya jouer au jardin ; on les entendit aussitôt se poursuivre dans les allées, en poussant des cris aigus. Mme Jeannin regardait son mari, qui lui tournait le dos, et elle allait autour de la table, comme pour ranger quelque chose. Brusquement, elle se rapprocha de lui, et lui dit, d’une voix étouffée par la peur que les domestiques n’entendissent, et par sa propre angoisse :

— Enfin, Antoine, qu’est-ce que tu as ? Tu as quelque chose… Si ! tu caches quelque chose… Est-ce qu’il y a un malheur ? Est-ce que tu es souffrant ?

Mais M. Jeannin, encore une fois, l’écarta,