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JEAN-CHRISTOPHE À PARIS

C’était leur dernière nuit dans le nid, où ils avaient toujours dormi, où leur vie s’était passée, et la vie de leurs parents, — ces murs, ce foyer, ce petit carré de terre, auxquels s’étaient liées si indissolublement toutes les joies et les douleurs de la famille, qu’il semblait qu’ils fussent aussi de la famille, qu’ils fissent partie de la vie, et qu’on ne pût les quitter que pour mourir.

Leurs malles étaient faites. Ils devaient prendre le premier train du lendemain, avant que les boutiques des voisins fussent ouvertes : ils voulaient éviter leur curiosité et leurs commentaires malveillants. — Ils avaient besoin de se serrer l’un contre l’autre ; et pourtant, chacun alla d’instinct dans sa chambre, et s’y attarda : ils restaient debout, sans bouger, ne pensant même pas à ôter leur chapeau et leur manteau, touchant les murs, les meubles, tout ce qu’ils allaient quitter, appuyant leur front contre les vitres, essayant de prendre