Page:Rolland - Jean-Christophe, tome 9.djvu/163

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Ils sortirent de Paris. Ils traversèrent les vastes plaines ensevelies dans le brouillard. C’était par un soir semblable que Christophe, dix ans avant, était arrivé à Paris. Il était fugitif alors, comme aujourd’hui. Mais alors, il vivait, celui qui l’avait aimé ; et Christophe fuyait vers lui…

Pendant la première heure, Christophe était encore dans l’excitation de la lutte : il parlait beaucoup et fort ; il racontait, d’une façon saccadée, ce qu’il avait vu et fait ; il était fier de ses prouesses, et n’avait aucun remords. Manousse et Canet parlaient aussi, pour l’étourdir. Peu à peu, la fièvre tomba, et Christophe se tut ; ses deux compagnons continuèrent seuls de parler. Il était un peu ahuri par les aventures de l’après-midi, mais nullement abattu. Il se souvint du temps où il était venu en France, fuyant déjà, fuyant toujours. Cela le fit rire. C’était sans doute sa destinée. Quitter Paris ne lui causait pas de peine : la terre était vaste ; les hommes

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