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LA FIN DU VOYAGE

qu’elles se savaient environnées d’une surveillance étroite, et que chacun s’arrogeait le droit de regarder dans la conscience d’autrui. On disait que même ceux qui étaient sortis du pays et se croyaient affranchis, — aussitôt qu’ils y remettaient les pieds, étaient ressaisis par les traditions, les habitudes, l’atmosphère de la ville : les plus incroyants étaient aussitôt contraints de pratiquer et de croire. Ne pas croire leur eût semblé contre nature. Ne pas croire était d’une classe inférieure, qui avait de mauvaises manières. Il n’était pas admis qu’un homme de leur monde se dérobât aux devoirs religieux. Qui ne pratiquait pas se mettait en dehors de sa classe et n’y était plus reçu.

Le poids de cette discipline n’avait pas encore paru suffisant. Ces hommes ne se trouvaient pas assez liés dans leur caste. À l’intérieur de ce grand Verein, ils avaient formé une multitude de petits Vereine, afin de se ligoter tout à fait. On en comptait plusieurs centaines ; et leur nombre augmentait, chaque année. Il y en avait pour toutes choses : pour la philanthropie, pour les œuvres pieuses, pour les œuvres commerciales, pour les œuvres pieuses et commerciales à la fois, pour les arts, pour les sciences, pour le chant, la musique, pour